J’ai décidé de visiter Varanasi en dernier. L’ultime étape avant de quitter l’Inde. Et autant dire que cette ville m’a laissé un souvenir indélébile. De part son atmosphère, ses ruelles, son feu sacré brûlant depuis des milliers d’années. Varanasi aura changé définitivement mon rapport à la mort. D’accord ça n’a pas l’air d’être un sujet très joyeux comme ça, mais Varanasi vaut vraiment le détour.
Alors en route.
Mais qu’est-ce que c’est Varanasi ?
Varanasi (aussi appelée Bénarès) est probablement l’une des villes les plus anciennes au monde et fait partie des sept villes sacrées dans l’hindouisme. Rien que ça ! C’est aussi la cité qui accueille le plus de pèlerins en Inde. Elle a tout pour plaire me diras-tu.
Si le reste du pays t’avait déjà dépaysé, ici c’est un autre monde qui s’offre à toi. Car on vient à Varanasi pour mourir. Ou tout du moins pour y être incinéré. Ce qui rend Varanasi si spéciale c’est sa proximité avec le Gange (la plus sainte des sept rivières sacrées de l’Inde). Grâce aux ghats – ensemble de marches qui recouvrent la rive afin de faciliter l’accès au fleuve – les hindous peuvent venir se purifier dans l’eau du fleuve. Leurs cendres gagneront ces mêmes eaux après la crémation dans l’espoir de libérer l’âme.
Tu auras l’occasion d’assister à des crémations en te baladant le long des ghats. Ici elles se font à ciel ouvert, 24/24 et sont ouvertes au public. Il est par contre interdit de prendre des photos … enfin, cela pourra t’être autorisé monnayant quelques roupies. Avec un nombre de photos limité et un « garde » pour veiller au bon déroulement. Pour ma part je n’ai pas souhaité prendre de photos.
Pourquoi incontournable ?
Je n’avais jamais assisté à une crémation. Encore moins d’un inconnu. Et absolument jamais de plusieurs inconnus en même temps. La crémation est capitale dans l’hindouisme car elle permet de libérer l’âme, de mettre fin au cycle des réincarnations et d’atteindre le nirvana. Et les indiens les plus riches sont prêt à mettre le prix pour venir finir leur vie à Varanasi et être incinéré sur les bords du Gange.
La cérémonie commence par les membres de la famille portant le corps du défunt drapé d’un linceul blanc jusqu’au fleuve et l’immergeant. Le corps recouvert de fleurs est ensuite placé au dessus du bûcher. 200 kilos à 250 roupies le kilo (3€), une véritable fortune pour de nombreuses familles. La crémation durera environ trois heures, temps pendant lequel la famille restera à proximité.Le fils aîné, l’oncle ou le frère du défunt est facilement identifiable car il est entièrement vêtu de blanc et a rasé ses cheveux, sa moustache et sa barbe. Il pourra garder une toute petite mèche derrière le crâne.
Tous les hindous ne sont pas égaux devant la mort. Les plus riches seront incinérés le plus proche possible du fleuve, les plus pauvres dans un crématorium en dehors de la ville. Mais ce qui m’a le plus choqué c’est l’absence totale de femmes lors des funérailles. Apparemment afin d’éviter que les femmes ne se jettent dans le bûcher de leur défunt mari. Pratique assez courante il n’y a encore pas si longtemps.
Varanasi, un désastre écologique ?
200 kilos de bois sont nécessaires pour une crémation. L’association Mokshda créée en 1992 a mis au point un système écologique qui utilise moins de combustible grâce à une meilleure isolation. Avec ce système seulement 40 kilos de bois sont nécessaires. Avec 80% de sa population hindouiste, l’Inde consomme 50 millions d’arbres tous les ans. Il y a donc urgence.
Lors de mon séjour je n’ai jamais vu distinctement le soleil. Un brouillard semblait régner constamment sur la ville. L’air était clairement irrespirable. Depuis j’ai fait quelques recherches et il s’avère que Varanasi est plus polluée que Delhi ! Voici un article de the Guardian (en anglais donc) datant de 2016 mais je doute que la situation est changée depuis … Les crémations ne sont pas mises en cause, mais on peut facilement imaginer que ça n’arrange pas la situation.
Même si des centaines d’hindous font leurs ablutions religieuses chaque jour dans les eaux du Gange, je ne peux que te déconseiller de tenter l’expérience. En effet les eaux usées sont rejetées dans le fleuve, sans parler des cendres et des corps directement remis au Gange. Six catégories de personnes ne sont pas incinérées : les nouveaux-nés, femmes enceintes, vaches, lépreux, sâdhus (saint homme) et les victimes de morsures de cobras). Le fleuve voit aussi passer les toilettes corporelles et le lavage des vêtements. Cela dit dans l’hindouisme le Gange est censé être pur et nettoyer des pêchés …
Que faire à Varanasi ?
Le conseil pratique du jour : attention où tu mets les pieds ! Dans les ruelles sombres de Varanasi, les vaches sont légion … ainsi que leurs défections. Donc si tu te ballades après le coucher du soleil, utilise une lampe torche et ne quitte pas le sol des yeux. Même pas pour une fraction de seconde … tiens, tiens, ça sent l’histoire vécue !
Pas d’activité de « touristes » à proprement parler à faire à Varanasi. En tout cas pas à mes yeux. Juste flâner sur les ghats, regarder les enfants jouer, les femmes laver le linge, assister à des crémations, observer la vie qui s’écoule. Cela dit il y a deux choses que j’aurais aimé faire : prendre un bateau pour aller sur l’autre rive en journée, et venir tôt le matin pour observer la vie au bord des ghats.
à voir : Ãrti la cérémonie du feu réalisée par les disciples de Brahmin pour rendre hommage au Gange et aux dieux. Elle a lieu sur le ghat Dasaswamedh et est gratuite. Cela ne sert à rien d’observer la cérémonie depuis un bateau, on voit beaucoup mieux sur les marches du ghat !
Et pour continuer la soirée, RDV à « l’international music centre ashram » pour assister à un concert de musique traditionnelle. Le ticket coûte moins de 5 euros (oups je ne me rappelle plus exactement du prix …) et un thé te sera offert à l’entracte. Attention il y a beaucoup de monde !
Et après ?
Visiter Varanasi te laissera des images plein la tête. Pour ma part l’expérience fût un peu difficile à assimiler, surtout ce rapport à la mort complètement différent de notre point de vue occidental.
Je suis allée plusieurs fois sur l’un des sites de crémation et l’ambiance qui y régnait m’impressionne encore. Pas de pleurs, mais beaucoup de chants. Les vaches près du feu mangeant les fleurs, les chiens récupérant les restes. Les hommes venus m’expliquer ce qu’il se passait.
Et ceux restant immobiles, observant le brasier, inébranlables.
Varanasi ne se visite pas, elle se vit.